Variabilité cross-shore d'une plage de poche macrotidale : dynamique saisonnière, profondeur de fermeture, bilan de matière et disponibilité sédimentaire.
Résumé
L'Observatoire du Domaine Côtier (OSU IUEM) supporte depuis 2003 un suivi topographique des plages de l'Iroise dans le but de détecter un éventuel impact de l'Oscillation Nord Atlantique sur leur variabilité morphologique et sur la mobilité du trait de côte à l'échelle décennale. A ce jour, la série de données topographiques se compose de 107 profils levés en zone intertidale à Porsmilin à une fréquence bi-hebdomadaire de janvier 2003 à juin 2007. L'analyse menée sur 75 d'entre eux (Dehouck, 2006) indique un contrôle des conditions d'agitation sur l'activité saisonnière du profil de la plage qui se traduit par des variations de sa réflectivité (présence de barres intertidales lors de conditions prolongées de beau temps, profil hivernal « plan » de pente homogène). A l'échelle annuelle, une tendance à la progradation du profil moyen vers la mer a été décelée laquelle coïncide avec l'accrétion sédimentaire observée sur la période 2003-2005 dans la zone intertidale. Sur la base de ces observations, un suivi bathymétrique mensuel de la plage a été réalisé sur une période de neuf mois (septembre 2003-mai 2004) dans le but : (1) d'explorer la topographie de la zone subtidale en vertu de la continuité des échelles spatiales entre les domaines intertidaux et subtidaux. Les zones de forte variabilité sédimentaire sont associées à la dynamique d'un couple de barres subtidales, la première relativement active et ample (jusqu'à 0,5 m) est localisée à proximité des niveaux de basse mer de vives eaux (-1 m C.M.), la seconde (-2 m C.M.) est ponctuelle et de très faible amplitude. La barre subtidale interne est le principal lieu de stockage sédimentaire entre les zones subtidale et intertidale, son activité étant fortement liée aux processus d'accrétion observés en zone intertidale (barre intertidale de swash sur les niveaux de pleine mer de mortes eaux à l'échelle événementielle, progradation du profil de la plage à l'échelle annuelle). Néanmoins, le temps d'ajustement des formes subtidales à la variabilité des forçages hydrodynamiques reste difficile à évaluer sachant que les morphologies observées résultent souvent de l'action d'une somme d'événements morphogènes. 2) de déterminer la profondeur de fermeture du profil de plage, profondeur limite de mobilité des sédiments. De manière relativement analogue aux études antérieures traitant de la profondeur de fermeture (par ex. Ruessink et al., 2003), celle-ci est associée à la profondeur limite d'activité des barres subtidales qui se situe autour de -3 m C.M. pour la période d'observation. Elle correspond également à la transition entre le prisme sédimentaire de la plage et la zone d'affleurement du substratum rocheux. Bien que cette valeur établie à -3 m puisse paraître faible au regard des travaux antérieurs et du contexte hydrodynamique agité au large, elle est adaptée aux conditions d'agitation moyennes rencontrées sur la plupart des plages d'Iroise (Hs < 0,5 m) du fait de leur position semi-abritée. En outre, la formule d'Hallermeier (1981) classiquement employée pour estimer la profondeur de fermeture a été testée (-2,6 m C.M.) et validée à partir de données simulées d'états de mer au large de la plage. Ce résultat est pour le moins atypique en raison de l'absence, à notre connaissance, de cas de validation de cette formule théorique pour des plages de poche. 3) de quantifier les échanges sédimentaires dans le profil. Alors que chaque bilan de matière individualisé traduit l'intensité relative des conditions hydrodynamiques entre deux levés consécutifs (respectivement positif/négatif lors des périodes de beau temps/mer forte), le bilan sédimentaire global est positif. Cet apport de sédiments dans le système cross-shore est aussi bien susceptible d'exprimer une variabilité longitudinale des barres subtidales (uniquement observées en 2D) que résulter d'un transport local de sédiments sableux depuis d'autres plages de l'anse de Bertheaume à la faveur des courants de marée et des fortes houles. Ces résultats motivent la réalisation de cartographies en 3D de la plage (projet Dyn3D région Bretagne, UMR6538 Domaines océaniques) et des formations superficielles sous-marines pouvant constituer le disponible sédimentaire impliqué dans l'évolution pluri-annuelle de la plage de Porsmilin.