Le roman national des nationalistes bretons (1921-aujourd’hui) - Institut Brestois des Sciences de l’Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Mémoires de la Société d'Histoire et d'archéologie de Bretagne Année : 2022

Le roman national des nationalistes bretons (1921-aujourd’hui)

Résumé

En 1921, quelques mois après leur découverte de la cause bretonne, Olier Mordrel et François Debauvais, qui étaient vite devenus deux piliers du Groupe régionaliste breton (GRB), écrivent dans son organe Breiz Atao : « L’Histoire de Bretagne est l’une des bases les plus solides de la doctrine nationaliste ». Comme l’avaient fait d’autres bien avant eux, ces jeunes militants avaient bien compris que leur entreprise de « relèvement de la Patrie Bretonne » dépendait grandement de l’élaboration et de la promotion de ce qu’il est désormais convenu d’appeler « check-list identitaire », laquelle comprend, entre autres, un roman national. Il n’est pas inutile de préciser ici ce que recouvre cette expression. J’appellerai « roman national » le récit téléologique de l’histoire d’une nation que produisent des gens prétendant parler au nom de cette dernière. Ses buts sont d’assigner un destin commun à un groupe social en établissant la continuité avec de grands ancêtres ; de valoriser et différencier ce groupe en lui donnant pour exemple des épisodes et des héros mettant en évidence les valeurs de la nation ; de légitimer l’action de qui le produit. Ce récit doit enfin être enseigné à l’école, de manière à ce que la communauté imaginée dont il narre les péripéties puisse prendre corps. De fait, la connaissance de l’histoire de la Bretagne, mais surtout sa vulgarisation, prennent une importance capitale dans l’action des nationalistes bretons de l’entre-deux-guerres. Leur connaissance de l’histoire de la Bretagne, les plus courageux d’entre eux la tiennent de la lecture de d’Argentré, dom Morice, dom Lobineau, Pitre-Chevalier, La Villemarqué même, mais surtout de La Borderie, perçu comme celui qui a prouvé l’existence de la nation bretonne. Lui rendant hommage en 1929, Mordrel affirme : « Sans les regards pénétrants qu’il a jetés sur les revers de notre Histoire, nous n’aurions peut-être pas mûri les dures résolutions par lesquelles nous entendons faire de nous des hommes efficients. La Borderie a jeté le pont sur lequel passent fièrement nos jeunes bataillons ! ». Mordrel témoignait ainsi de ce que Shlomo Sand formule en ces termes : « Les historiens et les chercheurs sont à la mémoire nationale ce que les cultivateurs de pavot et les dealers sont aux consommateurs de drogue : ils fournissent l’essentiel de la marchandise ». Or la complexité démobilise, de même que l’abondance peut décourager – l’Histoire de Bretagne de La Borderie compte six volumes pour un total d’environ 3 500 pages –, la marchandise historique doit donc être traitée, transformée, simplifiée pour que le plus grand nombre puisse accéder au roman national. C’est ce à quoi se sont attelés plusieurs militants, ce qui fait l’objet de cette étude. Quelles furent les tentatives de roman national breton ce dernier siècle ? Il s’agira moins d’analyser le contenu de ce roman, on le sait, largement axé sur une vision fantasmée du Moyen Âge et catastrophiste de la suite, ou de présenter le panthéon des Nominoë-Jean V-Pontcallec que l’on connaît déjà, que de tenter de mettre en évidence les stratégies, concurrences, réussites et échecs des militants producteurs de livres d’histoire de la Bretagne, lesquels se sont attelés à trois tâches successives : vulgariser, enseigner, rabâcher. […]

Domaines

Histoire
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03994262 , version 1 (17-02-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03994262 , version 1

Citer

Sébastien Carney. Le roman national des nationalistes bretons (1921-aujourd’hui). Mémoires de la Société d'Histoire et d'archéologie de Bretagne, 2022, Tome C (vol. II), pp.513-537. ⟨hal-03994262⟩
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